Christel Nemouchi

Préa-adolescence: construire des petits ponts de communication en famille

PAR CHRISTEL NEMOUCHI-

Je dédie cet article au jeune public que j’accompagne, source d’inspiration et d’apprentissage de chaque instant. Merci à la spontanéité, l’imprévisibilité qui se joue en séance, qui me questionne régulièrement et me pousse à m’adapter. De belles vibrations de soutien également à tous les parents impliqués et attentifs au mieux-être de leurs enfants, qui trouveront peut-être ici quelques nouvelles pistes de progression exploitables en famille.

LES PREMIERS Signes…

préado et miroir

Votre enfant est en fin de primaire, et son comportement à la maison évolue de manière préoccupante depuis quelques temps. Fille ou garçon, il se montre plus sensible, plus secret, moins accessible. Les relations à la maison se tendent. Il perd patience rapidement et rechigne à aider. Particulièrement soucieux de son apparence, il devient progressivement hermétique aux remarques, aussi constructives soient-elle. Parfois perdu dans ses pensées, parfois agacé, il s’oppose, trouvant bien des pirouettes pour marquer sa désapprobation face aux règles. A présent, le voilà qui souffle à l’écoute des consignes, se repliant davantage dans sa tanière, cette chambre dont il défend avec détermination l’accès. Vous observez  peut-être également un manque d’élan au moment de partager du temps en famille, ou une baisse d’implication dans ses loisirs et activités sportives préférés. Bien sûr, le bon sens vous poussera à demeurer vigilants, observateurs attentifs de ces nouveaux changements. En parents responsables, vous aurez toujours raison de vous interroger. Un enfant demeure un être fragile et influençable, il est essentiel de vérifier qu’il ne vit rien d’inquiétant dans ses journées.

L’objectif de cet article sera d’apaiser les remises en questions des parents, qui traversent non sans mal cette difficile période de turbulences. Votre enfant aborde peut-être, en ce moment, une étape charnière de sa vie puisqu’il se prépare à quitter le monde de l’enfance. Une mutation s’amorce dans tout son être. Des questionnements, des bouleversements qui affectent son corps, ses émotions mais également sa perception du monde et de lui-même. Cette transformation va le conduire progressivement sur le chemin de l’individualisation et de l’autonomie. C’est une période éprouvante pour la famille, mais rassurez-vous, qui s’estompe  avec le temps. A présent, la meilleure stratégie pour les parents sera d’accompagner au mieux le mouvement, sans le subir. 

Dans ces prochaines lignes, une réflexion pour donner du sens au conflit, le dédiaboliser et renouer avec l’envie d’investir dans la relation, avec la plus grande confiance.

Ajuster  La posture parentale…

Quand les parents anticipent les difficultés liées à la crise d’adolescence, ils se retrouvent souvent déstabilisés face à l’apparition de plus en plus précoce de cette phase qui la précède, nommée communément « pré-adolescence » (9-13 ans). Moins bien connue, cette première période de troubles apporte souvent aux parents le sentiment d’une perte de contrôle. Dans une société où les tensions se retrouvent exacerbées par la présence croissante des écrans et des nouvelles technologies, l’influence des médias et réseaux sociaux mais aussi une communication plus décomplexée entre parents et enfants, le mal-être évolue parfois à grande vitesse. Cette période n’en reste pas moins une étape majeure dans le développement de l’enfant, annonciatrice de la transition vers la maturation sexuelle. Elle s’accompagne de premiers bouleversements biologiques, physiques, émotionnels et affectifs. Ils ont une incidence sur le bien-être physique et mental de nos pré-ados.

Pourtant au coeur du tumulte, aussi disproportionnées soient les réactions de l’enfant, les parents demeurent les garants du calme à la maison. En ce sens, il est important qu’ils sachent s’adapter aux changements en cours. Cette adaptation suppose pour l’autorité parentale, de prendre de la distance face aux comportements impulsifs de leur préado, d’apprendre à modérer leurs réponses, tout en maintenant un cadre ferme et juste. En conservant une attitude respectueuse et bienveillante vis à vis de l’enfant, les parents véhiculent un message positif et raisonné . Dans un milieu qui dispense une autorité saine, l’enfant trouvera un espace sécurisé, et suffisamment tolérant, pour qu’il puisse s’individualiser sereinement. Il pourra se positionner en observant qu’il est accepté et aimé au delà de ses débordements, comme de ses erreurs. C’est ensuite au moyen de la responsabilisation que ses parents l’aideront à grandir et à rompre avec l’agressivité. La confiance des parents alimente le terreau, dans lequel tout enfant pourra puiser l’énergie et la motivation nécessaire au développement des ses capacités.

« Il faut une très grande maturité pour être capable d’être parent, car cela implique d’être conscient que ce n’est pas une situation de pouvoir, mais une situation de devoir, et qu’on n’a aucun droit à attendre en échange. »

Françoise Dolto

ACCOMPAGNER Son enfant…

Avant d’être sophrologue, je suis également maman et j’ai connu ces moments inconfortables où le lien riche que l’on a crée avec son enfant se complexifie. La volonté est là, mais faute de disponibilité, faute de partage, le décodeur familial dysfonctionne. Tous connectés sur une fréquence différente, on se parle mais on ne s’entend pas. Les changements de comportement de notre enfant nous bouleversent, autant qu’ils nous révoltent. Et lorsque le conflit éclate à la maison, c’est peut-être le coeur rempli de culpabilité et l’estomac bien noué que nous, parents, démarrons notre journée de travail. Déroutés de cette situation qui nous échappe, et perturbe tout l’équilibre familial.

Voici quelques idées sans prétention, pour nourrir le lien dès la primaire, et avancer ensemble dans un élan commun. Un partage issu de mes expériences, en cabinet comme en famille. Osez vous les approprier, apportez votre petite touche personnelle. Ajoutez ce petit plus, qui fera peut-être mieux prendre la mayonnaise. Parce que bien qu’il n ‘y ait jamais de moment idéal pour agir, vous êtes le mieux placer pour connaître votre enfant, sa personnalité, sa sensibilité. Quand survient la crise, il est important de la désamorcer à temps pour éviter de tomber dans le piège facile du dialogue de sourd. A se disputer sans relâche le mot de la fin. Une approche plus douce aura d’autres résultats. Encourager son enfant à verbaliser ce qu’il ressent quand il « bouillonne intérieurement », c’est l’aider à prendre du recul sur la situation. Ce retour au calme est ce qui lui permettra de dédramatiser ce qu’il vit et de se sentir soutenu pour traverser les difficultés.

Imaginons un instant que cette période de trouble nous offre simplement, la possibilité de mieux préparer la suite en famille. Ainsi main dans la main, nous sentir capable de construire avec notre enfant quelque chose de nouveau, de plus solide pour aborder avec davantage de souplesse l’étape suivante, cette adolescence tant redoutée. Comme on dépasse une crise de couple, avec le sentiment d’en ressortir plus fort, aborder cette phase sensible avec l’intention de se sentir mieux équipés. 

Alors à votre rythme, prenez le temps de tester ces propositions, réadaptez-les, soyez des aventuriers inspirés. L’essentiel demeure dans la sérénité retrouvée. 

SE DONNER  Les moyens ensemble…

A travers le jeu, l’imaginaire, le verbal ou l’expressif, sortir du conflit figé et choisir d’explorer les solutions qui permettront à notre enfant de quitter sa bulle.

LES PETITES PIERRES D’EXPERIENCE

Objectif: apprivoiser les moments difficiles, pour mieux accueillir les moments heureux. 

 

Proposer à son enfant de ramasser des petits cailloux, pierres ou galets, dans le jardin par exemple ou lors d’une balade en pleine nature. Une quinzaine de préférence, de tailles différentes. A fréquence journalière ou hebdomadaire, au moment du retour à la maison, laissez son enfant exprimer ce qui l’a marqué au cours de sa journée, de sa semaine. L’’enfant choisit la pierre qui correspond à son souvenir. La taille et la forme ne sont jamais choisies au hasard. Emotion positive ou négative, au fond peu importe. La pierre va l’aider à exprimer son moment important et vous le partager. Il peut choisir de déposer une couleur, un dessin, ou encore de noter un mot sur sa pierre. Quand il aura récolté suffisamment de pierres, vous pourrez décider ensemble de transformer ces pierres d’expérience, en une petite oeuvre artistique. Pour cela, il suffira que l’enfant les manipule et s’en inspire pour créer une forme (un coeur, une fleur, un symbole…). Laissez l’artiste exprimer ses talents. L’enfant pourra alors choisir de coller cette création sur un panneau blanc de toile, un carton, une feuille Canson. La transformation des pierres peut permettre de faciliter une meilleure acceptation d’un moment compliqué, avec la perspective de le transformer en une production originale et positive.

LES CARTES « DIXIT ENFANT » REVISITÉES ( À PARTIR DE 8 ANS)

Objectif: verbaliser les émotions. Exercice très apprécié des enfants.

 

Je recommande de bien trier les cartes avant emploi. Selon la sensibilité des enfants et leur âge, on conservera les cartes les plus adaptées . Bien que le Dixit soit un jeu destiné aux enfants, il comporte des cartes aux aspects plus sombres. Restent beaucoup de cartes intéressantes car elles permettent à l’enfant d’exprimer son isolement (une bulle de verre,  enfermant un bonhomme à l’air triste), sa tristesse (pluie, ou gouttelettes d’eau…), la peur (un loup, un sac dévoreur d’objets…), la confiance ou le courage (un escalier qui s’étend vers le ciel, un garçon qui affronte un dragon…). Installer les cartes, et laisser à l’enfant la possibilité de les observer tranquillement. Quand il se sent prêt, il choisira celle qui correspond au ressenti du moment. Prenez le temps d’entendre ce que cette carte lui inspire. Qu’il soit bavard ou pas dans l’instant, il vous ouvre là une petite porte sur son univers. Elle pourra permettre de nourrir de prochains échanges ensemble.Très efficace en séance, un outil qui permettra à l’enfant de se recentrer, de s’interroger sur ce qu’il vit intérieurement et par effet ricochet d’ouvrir un dialogue.

D’autres cartes de jeu de ce type pourront être exploitables, je pense notamment  aux jeux: « Feelings »,  « Langage des Emotions », « Detective Club »…

PETIT PODIUM ÉMOTIONNEL 

Objectif: Permet de faire du tri dans ses émotions, de les hiérarchiser et dédramatiser

 

S’apparente à la météo intérieure ou à la roue des émotions, permet d’observer les émotions, les sentiments qui existent en soi. Faire dessiner à l’enfant un petit podium avec les places 1, 2 et 3. Lui demander de placer sur ce podium les 3 émotions les plus importantes de sa semaine ou de la journée, par ordre de priorité. Un moyen pour lui de comprendre ce qui l’affecte prioritairement, et de faire un peu de ménage dans sa tête. Comprendre ses émotions pour mieux les apprivoiser. Cet outil peut être révélateur du fonctionnement personnel en place. Où l’enfant met-il le curseur? Qui remporte la première place sur le podium: l’émotion négative ou l’émotion positive? 

En séance, je propose ce podium émotionnel en tout début de pratique. J’observe souvent qu’en fin de pratique l’enfant réclame à modifier le palmarès de ses émotions. La joie, la confiance, la fierté, la satisfaction souvent associées à la 3ème place en début de séance, retrouvent une première place bien méritée lorsque les tensions ont été chassées et le calme revenu.

MA BANDE-DESSINÉE RESCOUSSE

Objectif: Développer l’imaginaire. Favoriser la concentration et la construction de solutions. Optimiser l’écoute et le partage en famille. Idéal pour les enfants manuels et créatifs.

 

Un conflit à la maison ou à l’école que l’enfant n’arrive pas à dépasser. Aidé de maman ou papa, l’enfant peut dessiner, découper des photos dans les magazines, imprimer des images inspirantes, utiliser des photos de familles pour réfléchir sur la question. Il  suffira à l’enfant de préparer des cases sur une feuille A4 et confectionner une BD sur la situation compliquée ou le conflit insurmontable. A son rythme, avec le soutien du parent il peut alors intégrer des bulles, des dialogues, des parties descriptives. Parents et enfants peuvent discuter des solutions à adopter pour dédramatiser et débloquer la situation. L’idée est d’amener l’enfant à réfléchir, à explorer différentes thématiques comme la confiance, l’empathie, la capacité d’adaptation… C’est constructif et libérateur. Les enfants apprécient le découpage et le collage. Pour les plus grands ou les plus manuels, possible de dessiner la situation délicate et les solutions possibles (l’esprit manga est bien apprécié). L’écriture est parfois plus efficace que le verbal pour certains d’entre eux..

LES KAPPLAS LIBÉRATEURS

Objectif: Déplacer le négatif, pour ne pas contenir une émotion désagréable en soi. Les kapplas deviennent une cible sur laquelle se concentrer pour s’extraire de la difficulté. 

 

Si vos enfants aiment  construire et jouer avec les Kapplas, ils pourront s’en servir pour évacuer les émotions désagréables et retrouver un peu de calme. Pour cela, ils inscriront à la craie sur quelques Kapplas le nom des émotions envahissantes qu’ils ne souhaitent plus porter (tristesse, peur, colère). Il leur sera également possible de dessiner sur le Kappla un symbole, une forme représentant la contrariété (émoji colère, un éclair ou un nuage…). Demander alors à l’enfant de dresser une barricade ou une tour à l’aide de tous les Kapplas contenant les émotions négatives. Proposer à l’enfant une profonde inspiration par le nez, puis une puissante expiration. Au moment de l’expiration, l’enfant pourra projeter une balle, une bille, ou un coussin en direction de la barricade pour l’exploser. Et peut-être accueillir une nouvelle sensation de légèreté…et la satisfaction d’avoir vaincu seul l’émotion négative.

 

 

 
MA MAISON ME RACONTE…

Objectif: La maison pourra symboliser le corps. Ce dessin permet à l’enfant de raconter ses petites aventures du jour ou de la semaine, d’apprivoiser la notion d’équilibre émotionnel. Prendre conscience que l’émotion négative enferme.

 

Si votre enfant a du mal à verbaliser, proposer lui de dessiner les contours d’une maison. Pour l’aider à expliquer les moments forts du jour, il pourra ajouter une fenêtre sur sa maison pour chaque aventure agréable vécue dans la journée. Pour chaque moment difficile, il placera une fenêtre à barreaux sur le dessin. Prendre le temps d’observer et de partager avec l’enfant ce que représente chaque fenêtre, avec ou sans barreau. Compter les fenêtres libres et les fenêtres avec barreaux. faire le parallèle: comment je me sens dans cette maison? comment je me sens dans mon corps? Réfléchir ensemble aux moments compliqués, comment je peux faire disparaître les barreaux de ma fenêtre? Et ainsi, avoir une nouvelle vue dégagée sur mon jardin.  Proposer de finir le dessin en ajoutant une jolie porte, qu’il pourra décider de laisser entrouverte sur l’extérieur. Et s’il le souhaite poursuivre en dessinant un jardin idéal tout autour de sa maison. Accueillir toutes les possibilités, toutes les inspirations…

Programmer ensuite un moment agréable pour clôturer cet exercice, balade, jeux de société, atelier cuisine…Peu importe, l’idée est simplement de finir sur plus de légèreté, et d’effacer le souvenir des sensations inconfortables repérées.

LA PETITE BOÎTE À RÉCONFORT

Objectif: mieux-vivre la séparation, favoriser l’harmonie familiale, augmenter l’estime personnelle. 

 

Créer un boîte tirelire à disposition de la famille joliment décorée (boîte à chaussures, boîte à bonbons cartonnée…). Déposer un bloc de post-it et un stylo à proximité. . A n’importe quel moment de la journée, on peut glisser dans la boîte une douce intention pour quelqu’un de notre famille: une jolie pensée, un dessin, un compliment sur une personne. On notera sur le post-it, le nom du destinataire du message. A chaque fin de semaine, on épluchera  les mots en famille. Cela permet de se rendre compte que ces petits riens ont toute leur importance et combien la bienveillance en famille rend heureux. Usez-en et abusez-en!

LA SOPHROLOGIE au service de La préadolescence

Quelles que soient les avancées ensemble, restez concentrés sur votre objectif d’harmonie familiale. Pour les enfants comme pour les parents, en période de crise il est fréquent d’éprouver un sentiment d’impuissance ou de solitude face à l’adversité. Si cet inconfort devient trop présent dans la vie de votre famille, choisissez de vous faire accompagner. La sophrologie soutient le préado et ses parents, sur le chemin délicat des transformations profondes. Elle propose des solutions pour aider l’enfant à sortir de l’état de tension, afin de dépasser la crise identitaire. Plus l’enfant apprendra à se réconcilier avec son image et ses émotions, moins il se laissera envahir par le stress, les inquiétudes et la peur du jugement. C’est en apprenant à se connaître qu’il renforcera son estime personnelle, et se sentira capable d’agir avec plus d’authenticité et de spontanéité. Plus il apprendra à relativiser, plus facile ce sera pour lui de s’adapter face à l’évaluation, à ses propres exigences, celles de ses parents et celles du système éducatif.

En séance, ma priorité est d’aider ces enfants en marche vers l’adolescence, à quitter leur carapace et leurs croyances limitantes, au sein desquelles ils se retrouvent souvent prisonniers. Leur donner envie d’investir davantage dans l’instant présent et ce qu’il apporte. Cela supposera pour eux de défocaliser l’attention des difficultés et des doutes. Apprendre à mettre davantage l’énergie au service du corps, de la respiration, des sens, pour une meilleure disponibilité et plus d’efficacité dans leur quotidien. Un seul message à retenir: mettre du sens dans ses actions, se sentir en paix avec l’orientation que prend sa vie, pour mieux cultiver le plaisir de chaque moment vécu.

Vivez vos expérience en confiance et spontanéité! Je vous souhaite de jolis pas de progression En famille…
PAR CHRISTEL NEMOUCHI
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